Peut-on dire que l’inconscient parle en nous? – Sujet corrigé de philosophie – Niveau Terminale A,C,D,E
PEUT-ON DIRE QUE L’INCONSCIENT PARLE EN NOUS?
Analyse du sujet (introduction)
Inconscient : ici : on parle de l’inconscient comme entité psychique réelle; c’est donc l’inconscient de Freud.
Parle : l’inconscient est mis en rapport avec la notion de langage. Définir le langage : a) comme mode de communication ou d’expression de nos pensées ou sentiments à autrui, et b) comme langue, système différencié de signes servant à a). On parle en un sens très large quand on parle sans recourir à une langue, donc à des mots.
En nous : ici, ne peut se comprendre qu’en rapport avec le terme « parler ». Ie : idée que quelque chose d’autre que nous parle à notre insu, sans qu’on s’en rende compte, sans qu’on veuille le dire.
Peut-on : ici : a) vise d’abord la cohérence ou non d’une thèse (quelles raisons peut-on donner à la thèse selon laquelle (…); est-ce absurde ou non de soutenir une telle thèse?); et b) la capacité de l’inconscient à parler.
-Remarquer que l’inconscient est présenté ici comme le véritable sujet de notre discours. Quelque chose d’autre que nous, ou qui se cache en nous, parlerait à l’intérieur de nous. Parlerait à qui? Comment? Parler , en général ou non?
-Se demander pourquoi pourquoi on serait tenté de dire que l’inconscient ne parle pas. Il ne semble pas pouvoir parler car il est caché, la conscience ne veut rien savoir de lui, etc : comment pourrait-il s’exprimer, ne serait-ce qu’au sens genéral du terme?
-Préciser que le sujet porte, non pas sur l’inconscient, mais plus précisément, sur les rapports qu’entretiennent entre eux l’inconscient et le langage. On ne peut répondre à la question de façon positive, que si on admet que le langage est toute forme de communication. Il s’agit donc de savoir, à travers cette question, s’il existe différentes formes de langage. (Ainsi : hors-sujet = ceux qui se sont interrogés sur la question de l’existence de l’inconscient, sur la valeur de la théorie de Freud, qui ont longuement exposé les différentes théories de l’inconscient : il fallait partir directement de l’inconscient de Freud).
- Les manifestations de l’inconscient. (Pourquoi ne pourrait-on pas dire que l’inconscient parle en nous? C’est tout à fait fondé dans la réalité).
-Présenter rapidement le « système » de l’inconscient
-Cet inconscient réussit à s’exprimer, à exprimer ses « pensées », de façon déguisée, pour ne pas se faire censurer par la conscience. Cf. lapsus, rêves, actes manqués, hystérie, etc. Exemple : aller au bar du coin au lieu d’aller à l’école.
Or, n’est-ce pas de l’ordre du symbolique? Ne sommes-nous pas en présence de signes?
Définition du signe : quelque chose ayant une manifestation sensible, qui renvoie à autre chose (une idée), et ne sert qu’à désigner cette autre chose. Un signe veut dire/signifie quelque chose. On peut développer en précisant qu’il y a deux parties dans un signe : le signifiant et le signifié.
Or, ici, le fait que j’aille au bar du coin n’est pas, selon l’hypothèse de Freud, quelque chose d’absurde, qui n’aurait aucun sens, bien au contraire. Cela signifie que je ne veux pas aller à l’école; plus précisément, cela signifie, renvoie à, mon désir caché de ne pas aller à l’école. L’aspect sensible de mon idée, qui est ici un acte (aller au bar), est le signifiant, et l’idée elle-même, mon désir inconscient (ne pas vouloir aller à l’école), est le signifié du signe. (Freud parle de contenu manifeste et du contenu latent des manifestations de l’inconscient).
Comparer à thèse de Saussure sur le signe linguistique : comme par hasard (!) c’est la même chose! Donc, l’inconscient parle bien en nous! (note : vous pouvez parler du caractère immotivé, arbitraire, du signe, qui se retrouve aussi dans les deux cas).
– l’inconscient aurait même sa propre langue. Cf. notion de codage (symbolisme spécifique : les cannes, les parapluies, etc). Celui qui connaît ce code, cette langue, ce symbolisme, peut décoder les messages de l’inconscient.
-Concept de communication. Certes, l’inconscient fait ou dit des choses que nous voulions cacher, soit à nous-mêmes, soit aux autres. Ce n’est donc pas nous qui sommes le sujet de ce qu’il « raconte », soit à nous- mêmes, soit aux autres. C’est une sorte de discours involontaire. Mais c’est bien un discours et en quelque sorte un dialogue : en effet, il communqiue avec notre conscience (il lui dit certaines choses) et aussi avec les autres (il leur dit aussi certaines choses sur nous). De nouveau, on dira donc que l’inconscient parle, puisqu’il réussit à communiquer avec notre conscience et avec les autres.
- Mais si l’inconscient s’exprime en nous, est un signe, parle-t-il vraiment? Peut-on vraiment dire que l’inconscient parle en nous?
-cf. Descartes, Lettre à Newcastle. Distingue la parole de tout mode de communication en général. Elle est un genre de communication bien spécifique : elle a un caractère volontaire, et donc conscient; elle exprime nos pensées, qui ne sont pas des sentiments ou des passions (au sens de besoins ou de désirs) mais des concepts. Les autres formes de communication sont bien de l’ordre du signe, du symbolisme, mais on ne peut parler au sens strict de langage, qui suppose la parole. Donner un exemple (celui des abeilles ou du perroquet -qui a le mérite à mon sens d’être moins long à exposer et plus facile à ré-utiliser dans le développement)
Si la parole s’attribue par définition à une conscience, comme à son origine, et à une conscience qui pour Descartes est entièrement maîtresse de ses actes, alors, le problème se pose de savoir s’il n’est pas absurde de dire que l’inconscient parle, et parle en nous, ie, à notre insu, sans nous, sans que notre conscience y prenne part. L’inconscient étant l’autre de la conscience, il ne peut parler. Il ne peut être sujet du discours ou d’un discours véritable, comme par exemple énoncer que deux et deux font quatre ou que la terre est ronde. Ce dont il est sujet, ce ne peut être que d’une forme de discours justement non maîtrisée, non claire (cf. l’ouvrier portant un toast à son patron et s’exclamant « buvons en l’honneur de notre cher salaud » au lieu de dire « en l’honneur de notre cher patron »).
Pensée : Freud dit que le contenu latent des manifestations de l’inconscient est de la pensées (« pensées latentes », « pensées du rêve », etc). Or : ce sont plutôt des désirs, des besoins primitifs de l’homme. Comparer avec le perroquet.
Caractère volontaire : non : le « discours » de l’inconscient n’est pas voulu mais a lieu en nous sans nous, à notre insu, sans qu’on le veuille ou parfois sans qu’on s’en rende compte. C’est de l’ordre de l’automatisme. Ses manifestations « montrent », « indiquent » (cf.les « symptômes » de l’inconscient) certaines choses sur nous, mais elles ne parlent pas.
Si l’inconscient se sert d’un certain symbolisme, s’il s’exprime et communique, il ne parle pas à proprement parler. On ne peut pas dire que l’inconscient parle en nous, ce n’est pas possible, et c’est insensé.
-D’ailleurs, si on dit qu’il parle, c’est parce que nous parlons. C’est pour un être qui parle, qui interprète ce qu’il voit, que les choses « parlent ». Cf. une balance : c’est pour un être qui parle que la balance est le signe (symbole) de la justice. De même, c’est pour le psychanalyste, être conscient et parlant, que mon lapsus est le signe de tel désir caché. Ici, on peut critiquer l’entreprise de la psychanalyse, qui vise à guérir les patients par la « talking-cure ». Le psychanalyste estime traduire les pensées de l’inconscient. Or : qui a inventé la langue de l’inconscient, celle que décode le psychanalyste? N’est-ce pas par définition un être conscient, le psychanalyste? Qu’est-ce qui nous prouve donc que l’interprétation du psycha va être la bonne?
- Mais finalement, qui dit que seule la conscience peut parler, que seule la conscience peut avoir des pensées?
-Descartes, pour qui la conscience seule existe. Or : le mérite de Freud est quand même d’avoir montré qu’il y a des données lacunaires dans notre vie, dont la conscience à elle seule ne peut rendre compte. Ou même ne veut pas rendre compte. Peut-être alors peut-on dire à Descartes qu’il est de mauvaise foi quand il dit que le langage ne peut être attribué qu’à une conscience. C’est parce qu’il refuse de reconnaître autre chose qu’elle (il aurait peur de ne plus être libre).
-Or, aujourd’hui, on a quand même détruit l’illusion cartésienne selon laquelle la conscience est ce qu’il y a de prédominant en nous. Et pas besoin d’être Freud pour cela (même si bien sûr c’est lui qui nous a mis sur la voie) : les sociologues et historiens soutiennent en majeure partie que nous sommes déterminés par des forces sociales (économiques, etc). Nous croyons agir selon nos propres motivations, mais en fait ces motivations ne sont pas nos motivations réelles, ou bien même ce n’est pas moi qui en décide réellement mais c’est au fond le groupe (m’habiller de telle façon, écouter telle musique).
-Ainsi, pourquoi ne pourrait-on pas dire que l’inconscient est l’ultime sujet de notre discours? Que c’est lui qui parle quand nous croyons parler nous-mêmes ou librement? Cf. fait que quand on parle, on exprime bien des choses dont on n’a aucune conscience : le langage, la langue, nous dépassent de toutes parts. Cf. rappports langage et culture (exemple : dire le mot « vache » en Inde veut dire beaucoup plus que ce que nous voulons dire par là si nous employons ce mot; les mots véhiculent des valeurs, une certaine vision du monde) Cf. les ambiguïtés de la langue, les métaphores.
Beaucoup de choses influent donc sur notre discours.
Conclusion :
on peut dire c’est la conscience qui estime que l’on ne peut pas dire que l’inconscient parle en nous. Cec, parce qu’elle veut être la maîtresse de ses actes, et de son discours. Mais encore, on peut aller jusqu’à dire que le langage lui-même est en grande partie inconscient, qu’il est « parlé ». De toute façon, nous pouvons répondre à ceux qui refuseraient notre thèse, que l’inconscient peut tout à fait être dit parler en nous, et a la capacité de parler en nous, puisqu’il est symbolique et que le langage « en général » est symbolique.
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