Sujet bac ES France – Annale SES 2017 – Corrigé – Dissertation
Dissertation Les instances d’intégration sont-elles toujours source de cohésion sociale ? |
Remarques préliminaires sur le sujet :
Ce sujet est de type « débat/discussion », le plan classique est donc de répondre par l’affirmative avant de nuancer son propos. Dans tous les cas, il faut respecter la méthodologie de la dissertation en proposant une introduction précise (avec définition des termes principaux et présentation du cadre spatio-temporel si besoin), reformulation de la problématique et le plan.
La conclusion doit permettre de répondre à la problématique en synthétisant les idées principales et en proposant une ouverture qui prolonge la réflexion. Le développement doit être équilibré entre la première et la deuxième partie. Il faut essayer le plus possible d’appliquer la méthode AEI (j’affirme, j’explicite, j’illustre).
Il ne s’agit pas de faire un plan « oui/non », mais de présenter les limites des éléments de réponse apportés en première partie. Il s’agit donc d’aller plus loin dans la réflexion.
Dissertation
« La cohésion sociale, c’est l’affaire de tous ! » affirmait Claudie Miller (présidente de la Fédération nationale des centres sociaux et socioculturels de France) dans un article de juin 2018, dans le but de tendre vers une société plus unie et moins exclusive. La cohésion sociale est l’état d’une société dont les membres entretiennent des liens sociaux solides et où la solidarité prime sur l’individualisme. On peut recenser 4 instances d’intégration dans nos sociétés modernes : le travail, la famille, l’école et l’État. Or, face au creusement des inégalités, à la hausse du repli sur soi, aux exclusions diverses et au chômage élevé, peut-on considérer que ces piliers d’intégration remplissent encore parfaitement leur rôle ? N’assiste-t-on pas à un affaiblissement de ces instances d’intégration ? Si ces dernières semblent en effet être en crise depuis plusieurs années, elles conservent néanmoins un rôle essentiel et continuent de participer à la cohésion sociale.
En effet, le travail qui fait partie des principales instances d’intégration sociale revêt des formes beaucoup moins inclusives. On assiste ainsi à une précarisation des formes d’emploi. Le document de l’INSEE daté de 2016 (document 1) révèle une augmentation importante de la part des contrats CDD et saisonniers à partir de 1994. En 1984, la part de ces contrats dans l’emploi total était de 3,6 %. Cette part est quasiment deux fois plus importante en 1994 (6,7 %) et atteint même 8,6 % en 2014. De la même façon, le recours aux contrats intérimaires est de plus en plus fréquent et la part de ces contrats a également beaucoup augmenté. En 1984, ils représentaient 0,4 % de l’emploi total. On constate une hausse importante de cette part à partir de 2004 (1,9 %) pour enfin se stabiliser autour de 2 % jusqu’à la fin de la période étudiée (2014). Parallèlement à cette précarisation de l’emploi, le taux de chômage n’a cessé d’augmenter depuis le début des années 2000. Il atteint plus de 9 % en France et certains groupes sont davantage concernés par ce phénomène (document 4). En 2014, le taux de chômage des personnes ayant un niveau brevet des collèges ou sans diplômes atteint plus de 16 %, ce taux a donc été multiplié par 1,5 depuis 2003 où il était situé autour de 11 %. Le marché du travail, en proposant des formes d’emplois instables et où le degré d’exigence des employeurs s’accroît, a tendance à exclure certaines catégories sociales et à diminuer la cohésion sociale.
Dans le même temps, l’école se trouve remise en question et des interrogations subsistent autour du projet méritocratique et du phénomène de reproduction sociale. En effet, Bourdieu a montré que les attentes du système scolaire étaient plus proches des valeurs et connaissances véhiculées au sein des classes favorisées que dans les classes modestes. Bourdieu met en avant la notion d’habitus pour désigner les comportements, les savoir être et les modes de vie en montrant que ceux transmis dans un milieu social plus élevé se rapprochent des exigences attendues et des critères de notation des systèmes scolaires. Les enfants issus d’un milieu social privilégié ont donc tendance à réussir beaucoup plus facilement et en nombre plus important que les enfants issus de milieux défavorisés. Ici, c’est le principe même de méritocratie qui se trouve remis en question. Peut-on parler de système méritocratique lorsque les efforts des enfants de milieu plus bas dans l’échelle sociale n’aboutissent pas aux mêmes résultats que les efforts des enfants dont les parents ont une position sociale plus élevée ? On assiste bien à un phénomène de reproduction sociale où le système scolaire reproduit les positions sociales entre générations. Dans cette vision, l’école ne semble pas remplir son rôle d’instance d’intégration en perpétuant les inégalités.
En outre, l’État est fortement critiqué et les élites politiques qui représentent le peuple sont sujettes à différents scandales qui effritent l’image d’un pays soudé où règnent l’union et le sentiment national. En témoigne le taux d’abstention du second tour de l’élection présidentielle de 2017 situé autour de 25 %. Cette donnée révèle un désintérêt des Français envers la politique. Elle met également en évidence une sorte de défiance envers les politiciens et les programmes présentés. D’autre part, la hausse des conflits sociaux (Notre-Dame-des-Landes, la SNCF, etc.), l’incapacité à établir un discours et à proposer des solutions acceptables et les actions répressives médiatisées montrent que la cohésion sociale du pays demeure fragile.
L’individualisme ne cesse de s’accroître et les liens familiaux, autrefois très forts, deviennent plus fragiles et moins évidents. De ce fait, les disputes familiales aboutissent parfois à une cassure, le milieu d’origine devient moins déterminant dans une société où les individus tendent à s’émanciper de tout ce qui pourrait nuire à leurs envies et à leur liberté. Ainsi, les séparations sont beaucoup plus fréquentes que par le passé (document 3). De la même façon, le schéma monoparental, peu présent avant les années 1960 fait désormais partie du paysage traditionnel des formes de familles. À la fin des années 1990, près d’une famille sur cinq était une famille monoparentale. Les familles recomposées ne cessent d’augmenter. Les instances d’intégration que sont l’État et la famille sont donc elles aussi fragilisées en matière d’intégration des individus et font donc diminuer la cohésion sociale.
Toutefois, le travail demeure bel et bien source d’intégration sociale. S’il existe davantage d’emplois précaires, la part des contrats de type CDI est restée aux alentours de 76 % depuis 1984. Le travail permet de s’assurer un revenu, mais également des droits sociaux. Les cotisations permettent aux salariés de se prémunir des différents aléas qui pèsent sur chacun d’eux (chômage, invalidité, vieillesse, etc.). Plus simplement, il permet d’être consommateur et de se procurer des biens de nécessité, mais également des biens de confort. Il est également repensé ; il devient un lieu de vie plus qu’un lieu de travail et des progrès sont réalisés pour améliorer les conditions de travail des salariés. Les entreprises s’accordent sur le fait que des salariés plus épanouis sont des salariés plus performants. De ce fait, les employeurs essayent de rapprocher les travailleurs entre eux, la cohésion de groupe étant de plus en plus considérée comme primordiale au sein d’une équipe. C’est un lieu de socialisation secondaire où l’individu va se tisser un réseau et entretenir des relations privilégiées avec d’autres individus et ce durant une grande partie de sa vie. À travers l’évolution et la formation, le travail permet également la réalisation de soi et entraîne des contacts relationnels fréquents, sources d’intégration et de cohésion sociale (document 2). Si les formes de travail ont changé, celui-ci demeure donc un socle de cohésion sociale pour tous les individus.
De la même façon, l’école reste une instance fondamentale d’intégration de l’individu. En effet, si le taux de chômage est élevé, les diplômes permettent de s’en prémunir plus facilement. Ainsi, le taux de chômage des diplômés d’un bac + 2 et au-delà est beaucoup plus faible. Il atteint environ 6 % en 2014 contre plus de 16 % à la même date pour les personnes seulement titulaires du brevet des collèges ou qui sont sans diplômes. De ce fait, l’école et de longues études permettent d’atténuer le risque de chômage et d’exclusion qui en découle. L’État, en promouvant l’apprentissage et les contrats d’alternance, pousse également les individus à coller davantage aux exigences des recruteurs actuels qui recherchent souvent des connaissances acquises au sein des études mais également des qualifications intériorisées lors d’expériences professionnelles passées. L’État devient ainsi une instance active pour faciliter l’insertion des individus sur le marché du travail. Son action de redistribution permet aussi aux familles les plus démunies de conserver un revenu minimal et donc de garantir une certaine intégration. Enfin, les obligations qui pèsent sur les entreprises ou dans le milieu scolaire facilitent l’intégration de personnes habituellement exclues : les jeunes, les personnes en situation de handicap, les élèves boursiers, etc. L’école et l’État sont donc encore des acteurs majeurs œuvrant pour l’intégration des personnes.
Enfin, la famille aussi, même si elle a évolué, reste une instance d’intégration phare. Elle reste le lieu où l’individu va intérioriser un certain nombre de valeurs à travers la socialisation primaire. La famille nucléaire demeure la forme dominante du modèle familial. La multiplication des familles monoparentales n’entrave pas forcément les liens familiaux, les membres au sein de la famille continuant d’entretenir des liens forts et fréquents. Ainsi, la famille devient même un refuge, un endroit dans lequel les individus se sentent protégés. En cas d’épreuves, elle reste un soutien psychologique fondamental pour la reconstruction (refuge affectif), mais demeure également un soutien matériel. Les membres restent solidaires entre eux et s’aident mutuellement. De plus, les familles investissent de plus en plus dans les études de leurs enfants. Elles transmettent un capital culturel à leurs enfants et mettent en œuvre davantage de moyens de réussite qu’auparavant. Les cours à domicile ont connu une explosion ces dernières années, les parents engageant des dépenses importantes pour la réussite de leurs enfants.
Pour conclure, les différentes instances d’intégration remplissent toujours leur rôle. Si les formes d’emploi se diversifient, le travail est toujours source d’intégration. Ce dernier est désormais un lieu de vie qui permet de maintenir un lien social fort avec d’autres individus au quotidien. L’école, bien que remise en question, permet de s’armer plus efficacement contre le risque de chômage et de précarité. L’État, bien que critiqué, reste fondamental afin d’éviter l’exclusion des populations les plus fragiles. Enfin, la famille a changé mais demeure une valeur sûre d’intégration pour l’individu, le soutenant à chacune des étapes de sa vie. Le lien social, au travers de ces instances, n’est donc pas moins fort, il est simplement différent. Cependant, le sentiment d’insécurité des Français est lui, en constante augmentation ces dernières années (terrorisme, perception en hausse de la délinquance, etc.), mettant à mal la cohésion sociale.
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